jeudi 4 février 2016

6 bonnes raisons d'aller voir l'ExoConférence d'Alexandre Astier

Depuis le temps qu'on me parle de l'ExoConférence d'Alexandre Astier ("ExoConf" pour les habitués), j'ai cédé à la pression populaire et je suis allé voir le spectacle vendredi dernier (merci pour les places Rodolphe, c'est con que t'aies préféré Gérardmer). Bon, ben je vous le dis tout net : c'est bien. Et ça c'est chiant. C'est chiant parce que je ne vais pas pouvoir jouer mon snob, comme  je l'avais fait pour ma critique du livre Seul sur Mars. Bon, y a quand même un ou deux trucs que j'ai trouvés pas top, notamment le fait qu'il se pointe sur scène avec une seule barquette de framboises pour 4 000 personnes, et la fille qui riait trop fort juste devant nous. Mais j'y reviendrai à la fin de ce billet. En attendant, voici six bonnes raisons d'aller voir l'ExoConf d'Alex (pour les intimes), que vous soyez physicien alcoolique, brancardier de cinéma, avaleur de sabres ou vicaire copernicien.

L'ExoConférence en quelques mots

L'ExoConférence, c'est un spectacle à mi-chemin entre le théâtre et la conf d'astrophysique très grand public. Sous prétexte de parler de rencontre du troisième type, Alexandre Astier raconte l'univers, interprète plusieurs personnages "hauts en couleurs" comme on dit, et en profite pour régler ses comptes avec la religion, ce qui n'est pas pour déplaire. Pour vous donner une idée du ton, sans dévoiler quoi que se soit, voici le genre de réflexion qu'on aurait pu y trouver :

Traduction : Si nous parvenons un jour à parcourir des milliers d'années-lumière pour nous rendre sur une planète qui abrite une vie intelligente, contentons nous d'imprimer des motifs dans leurs champs et fichons le camp.
Il aborde des questions fondamentales comme l'origine de l'univers, la solitude relative de l'Humanité ou la ringardise cosmique des noms de constellation, en prenant garde de ne pas apporter de réponse toute faite. Parfois, on ne sait pas, et c'est comme ça. Bref, voici pourquoi ça devrait vous plaire :

1- C'est drôle

Je commence par ça, parce que s'il y a bien un truc où je suis difficile, c'est l'humour. Si vous aimez le nonsense et l'humour décalé, vous allez être servi. J'ai pompeusement et régulièrement pouffé au début, et puis même franchement ri. C'est bien dosé en plus, ça ne prend pas le pas sur le spectacle. J’espérais secrètement pouvoir un peu tacler Astier là dessus, mais force est de reconnaitre qu'il est drôle le saligaud. Je n'en dis pas plus, car vous êtes certainement déjà en train de réserver vos places.

2 - C'est intelligent ET intéressant

J’hésitais avec "c'est anticlérical", mais ça revient au même. "Un spectacle intelligent", c'est bateau comme commentaire, mais pour une fois, c'est vrai. Non seulement on apprend plein de choses, mais en plus, on réfléchit. Pourtant, pas facile de caser le principe anthropique, le paradoxe de Fermi ou la relativité sans perdre l'attention - et l'approbation - du public. Alors, certes, il ne rentre pas dans le détail, et si vous avez fait un tout petit peu de sciences après le bac, vous n'apprendrez pas grand chose de nouveau. Et c'est justement ce que j'ai trouvé génial : même en sachant tout cela, on ne s'ennuie pas une seule seconde : on ne peut qu'apprécier le talent qu'Alexandre Astier a mis dans ses mots. En un sens, il réussit ce que tous les vulgarisateurs de science rêvent de faire : amuser, intriguer et étonner, tout en faisant réfléchir. Quand on y pense, il est même un peu sournois. Il nous attire malicieusement avec une blague sur la zone 51, pique notre curiosité en parlant d'étoiles, nous accompagne un temps en déclamant des vers sur l'infini, puis nous laisse finir la route tout seul. Je suis sûr qu'une bonne partie du public est allé faire un tour sur internet en rentrant chez lui, histoire de vérifier cette histoire de temps qui s'écoule plus lentement près de la Terre.

3 - C'est bien joué

L'acteur Alexandre Astier
Alexandre Astier est un acteur, et ça se voit. Mention spéciale à Enrico Fermi bourré. Je n'y connais pas grand chose, mais à la sortie, j'ai entendu pas mal de commentaires dans le genre "Quelle performance !" ou "Quel interprète !". Pas sûr qu'on entende ça en sortant du spectacle des Bogdanoff, même s'il parait qu'ils font du trapèze avec le menton.

4 - C'est bien documenté

Ha ! Bien sûr que j'ai guetté le moment où il allait se planter ! Et bien, soit que j'aie été inattentif, soit qu'il ait été quasiment irréprochable, je n'ai relevé aucune inexactitude. Il cite même wikipédia, c’est dire. Il s'est planté une ou deux fois dans les temps et distances de parcours d'un voyage intergalactique, mais c'était dans le feu de l'action, et ça tenait de l'étourderie. Pour un mec qui n'a aucun background scientifique, c'est assez bluffant.

L'invraisemblable message de l'humanité envoyé à bord des sondes Pioneer 10 et 11, décrypté tout au long du spectacle.

5 - C'est authentique

On sent que le sujet du spectacle lui tient vraiment à cœur : derrière ce spectacle, il y a de la curiosité, une fascination pour l'univers mais aussi de l'introspection et une peur ancestrale et viscérale. Avez-vous déjà contemplé le ciel nocturne en essayant de vous représenter les incommensurables abimes qui séparent les étoiles, en essayant de vous convaincre que chaque petit grain de lumière est probablement une galaxie qui contient des centaines, voire des milliers de milliards d'étoiles, et autant de mondes probablement habités ? Où que vous portiez votre regard, aussi loin que les télescopes spatiaux peuvent voir, il y a l'univers. Qu'y a t-il au delà ? Nous ne le savons pas. Et tous ces milliards de galaxies, trous noirs, pulsars et planètes, tout cela a commencé dans un petit pois de matière, que vous pourriez tenir entre deux doigts. Comment ? Nous ne le savons pas non plus. Avez-vous alors senti votre esprit vaciller et perdre pied, incapable de donner un sens à ce qui dépasse l'entendement ?  Avez-vous été saisi d’effroi, proie à une indicible panique, devant l’absurdité de l'existence et l'horreur de l'infini ? Alexandre Astier en a fait l'expérience, et se livre sur scène. C'est d'ailleurs la seule fois où il semble manquer de mots, et se résout à emprunter ceux d'un autre. Ce qui m'amène au point suivant.

Alexandre Astier face à l’absurdité de l'univers

6 - C'est poétique

« Le silence des grands espaces infinis m'effraie ... .... La seule chose qu'on puisse lui opposer, c'est la poésie ou la musique ». Blaise Pascal.

Dur de passer après ça, il a bien fait de le garder pour la fin. La seule chose qu'on puisse lui opposer, c'est la poésie ou la musique. C'est d'ailleurs ce qu'il fait peu après, en faisant péter une guitare électrique. Les oreilles attentives reconnaitront sans doute les quelques notes finales. Ailleurs, Astier cite Victor Hugo. C'est beau et ça marche. Entre deux blagounettes, on essuie une petite larme : "Y a trop de poussières dans cette salle, c'est chiant, ça gâche le spectacle. Enfin, ça va, là c'est un moment pourri." A certains moments, j'ai pensé à Carl Sagan et à son point bleu pâle :

 
Il me faut une photo comme ça pour mon profil Linkedin
Voilou, j'imagine que vous n'aviez pas besoin de moi pour aller voir ce spectacle, mais je me devais quand même d'écrire ce petit billet, histoire de prouver que je sais apprécier ou un deux trucs par décennie. Je n'en dis pas plus, pas envie de tout spoiler ! Enfin, je vais quand même évoquer les quelques points que j'ai moins appréciés, ne serait-ce que pour entretenir ma réputation de mec blasé. Le spectacle souffre en effet de quelques défauts mineurs, qui ne nuisent pas à la qualité d’ensemble et que je cite simplement parce que c'est mon devoir de chipoter :
  • Les phases de soucis informatiques sont un peu répétitives, et, si elles permettent de rythmer le spectacle, gagneraient néanmoins à être raccourcies et/ou diversifiées.
  • Vers la fin, une scène où un pilote-explorateur expose son plan de mission sur Terre à une assemblée de ses congénères représentés par des formes lumineuses semble un peu plate, principalement parce que leurs voix ne sont pas spécialement expressives.
Le commandant Astier tente de convaincre ses pairs qu'il faut parcourir 35 années-lumière pour sonder le zboub d'un Terrien.
  • Je n'ai pas trouvé l'exposition du principe anthropique très réussi.
  • C'est parfois un peu décousu.
  • En évoquant les différentes cosmogonies, Astier propose d'inventer la sienne : l'univers a la forme d'un burger. J'aurais aimé un truc vraiment absurde, je trouve que ce n'est pas à la hauteur du spectacle.
C'est tout :) Je vous laisse avec la bande annonce :


Pour en savoir plus :

- sur l'ExoConférence
- au sujet d'Alexandre Astier
- sur les crevettes

On peut aussi visionner la série de vidéos de Florence Porcel, qui interviewe Alexandre Astier et d'autres sommités intergalactiques :



2 commentaires:

  1. Bien joué pour l'effet Ruban de Moebius dans la proposition d'article "Dans le même esprit"
    Je me sens bloqué dans un continuum espace temps... ça fait 6 fois que je lis l'article.

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  2. C'est un test :) Pour sortit de la boucle, il faut piocher une carte "champignon" et faire un double six sans se casser de côtes.

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