mardi 18 septembre 2012

Les ondes hydrodynamiques dans les bouchons de voitures

Dans l'article "physique des gouttes de pluie et répartition des richesses", j'avais évoqué la polyvalence des modèles physiques ; une même équation peut servir à modéliser des phénomènes a priori sans rapports. Dans "les vagues monstres" par exemple, on peut voir comment les équations de la physique quantique servent à décrire la formation de vagues de taille exceptionnelle. Aujourd'hui, je vous parle de propagation d'ondes dans les bouchons de voitures :)

Hydrodynamique et bouchons de voitures

Pour étudier les bouchons automobiles, les scientifiques recourent à des modèles hydrodynamiques ou granulaires. En effet, le flux des voitures peut être imaginé comme un liquide s'écoulant dans un tuyau ou des billes roulant dans un conduit. Si l'une des billes subit un ralentissement en un point du conduit, celui-ci affecte toutes les billes en amont ; la perturbation se propage vers l'arrière, exactement comme une onde. C'est ce qui se passe dans les bouchons de voitures : Marcel se rend compte qu'il colle un peu trop la voiture de devant et ralentit. La conductrice juste derrière ralentit aussi, et ainsi de suite. Cette perturbation se propage comme une onde, et elle est caractérisée par une vitesse de déplacement, une longueur d'onde et une amplitude. Si vous avez du mal à la visualiser, regardez cette petite vidéo réalisée par des chercheurs japonais :


Dans cette vidéo à gros budget, les conducteurs ont pour consigne de conduire à une vitesse constante (30 km/h), sauf s'ils risquent d'emboutir le véhicule qui les précède. Au début, le trafic reste fluide. Mais rapidement, de petites variations de vitesses entraînent une modification des distances entre véhicules. Les conducteurs tentent dans un premier temps de maintenir un trafic fluide mais il apparaît bientôt un ralentissement qui affecte plusieurs voitures. Finalement, un des véhicules est forcé de s'arrêter. Le bouchon se propage dans le sens opposé à la marche à une vitesse de 20 km/h.

Modéliser les bouchons de voitures

Le but des chercheurs est de comprendre comment ce ralentissement se forme, se propage et s'amplifie et de proposer des solutions pour éviter l'apparition des bouchons. Pour répondre à ces questions, ils mettent au point des modèles en utilisant les équations de la mécanique des fluides classique : ce sont les équations de conservation du flux établies en 1755 par le génie des maths Euler. Ces équations n'ont, encore aujourd'hui, aucune solution analytique (si vous en avez une à proposer, vous êtes potentiellement millionnaire). On se contente soit de les résoudre pour des conditions particulières, soit d'utiliser les approximations données par les simulations, ce qui suffit amplement dans l'immense majorité des cas ! A ceux qui seraient intéressés par le coté mathématique, je conseille cette page très accessible et très bien écrite.


Si leur modèle est validé, c'est à dire s'il permet de reproduire le phénomène de façon satisfaisante, les chercheurs peuvent tenter de trouver une manière de l'éliminer ou de l'atténuer. Pour cela, ils doivent identifier quels paramètres ont une incidence sur le phénomène. Dans le cas des bouchons de voitures, les facteurs clés sont :

- la fluidité initiale du trafic (logique)
- la tendance des conducteurs à "sur-réagir"
- la tendance des conducteurs à réagir en retard.

Curieusement, la vitesse des véhicules et la densité du trafic n'ont pratiquement aucune incidence, sauf dans les cas limites. Le système peut rapidement dégénérer : une très faible perturbation a des répercussions sur l'ensemble du système. Cette perturbation peut être un conducteur nerveux, un virage trop serré, une anomalie sur la route etc. Un seul conducteur peut créer un bouchon (ou le résorber, mais cela n'arrive jamais car un conducteur qui sort d'un bouchon a tendance à trop accélérer) :

Les chercheurs concluent qu'il faut absolument éviter, dans la mesure du possible, de réagir trop vivement ou pire, de s'arrêter complètement. Mieux vaut rouler à 1 km/h plutôt que devoir immobiliser le véhicule. En faisant cela, vous contribuez à diminuer l'amplitude de l'onde et à augmenter sa longueur d'onde, première étape de son atténuation.  Ils préconisent d'équiper les voitures de régulateur spécialement adaptés aux conditions de circulation lente ou encore mieux : de faire circuler des voitures-robots (sans pilote humain) sur les routes encombrées pour réguler le trafic.

Pour dire adieu aux bouchons, l'idéal serait de n'avoir que des voitures pilotées automatiquement. C'est une solution envisageable à moyen terme et de grosses boites, comme l'incontournable Google, sont sur le coup depuis plusieurs années. Ses Google Cars semblent assez fiables : elles ont déjà parcouru 500 000 km sans accident. En fait, le frein pour ce genre de projet est plus juridique que technologique. Attendez-vous donc à voir bientôt circuler de petites voitures intelligentes complètement autonomes !
Crédits: Franco Vairani/MIT Smart Cities group

3 commentaires:

  1. Supprimons les bouchons et buvons au goulot !

    Merci pour ce bel article répondant à une question posée tous les mois d’août.

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  2. Le slogan "Boire ou conduire, il faut choisir" bientôt périmé?

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